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François Ascher (1946 – 2009) : disparition d’un passeur


par Antoine Loubière, rédacteur en chef de la revue Urbanisme,

pour cadredeville.com / 21 juin 2009




C'est une

vraie tristesse que de devoir parler au passé de François Ascher, décédé

le 8 juin, un mois après sa nomination comme Grand prix de l'urbanisme

2009. Jean-Louis Borloo exprimait ainsi les raisons du choix unanime du

jury : « Le jury a souhaité

donner un signal fort au monde professionnel pour penser l'après-crise financière,

sociale et environnementale. Je m'associe au jury qui salue la force

d'anticipation de François Ascher sur les questions de gouvernance, de modes de

vie, de grands territoires, d'impact de la mondialisation et des flux sur

l'urbanisme, le rôle majeur de la mobilité et des nouvelles technologies

– qualifiées de clean-techs – venant au secours des défis du

développement durable, autant de concepts qui ont joué un rôle notable pour

alimenter les projets sur le Grand Paris et qui ouvrent des voies pour penser

l'avenir ».

Dans un

article à paraître dans le prochain numéro de la revue Urbanisme (n° 367, juillet-août 2009) – mais

écrit avant sa disparition – Thierry Paquot souligne que « dans le monde de l'urbanisme et de

l'aménagement, François Ascher représente les sciences humaines et

sociales ». C'est en effet la première fois qu'un chercheur connu et

reconnu comme tel est honoré de ce Grand prix, même si des concepteurs comme

Philippe Panerai, Bruno Fortier ou David Mangin, qui sont aussi enseignants et

chercheurs, ont été lauréats. François Ascher a certes participé à des

consultations et à de grands projets urbains, tout en étant expert auprès de

nombreux territoires, mais il a d'abord suivi une carrière universitaire, qui

l'a notamment conduit à diriger l'Institut français d'urbanisme (IFU), fondé

dans le cadre de l'université expérimentale de Vincennes dans l'après 68,

devenue ensuite université Paris 8 – Saint-Denis, et qui va d'ailleurs être

prochainement rattachée à l'Université Paris-Val-de-Marne – PRES Paris Est.

Comme le

souligne un communiqué de l'IFU, actuellement dirigé par Alain Bourdin : « Responsable et créateur de diplômes,

François Ascher a fortement marqué la vie de l'établissement. Enseignant

brillant, il fut un directeur de thèse exemplaire. Il était persuadé (…) de la

nécessité de bouleverser l'enseignement des instituts d'urbanisme et de les

ouvrir sur d'autres métiers que ceux auxquels ils préparent traditionnellement.

Il rêvait d'un grand institut des études urbaines, de l'urbanisme, du design et

de l'environnement urbain. »

« Favoriser le débat sur les enjeux de la

recherche », écrit-il dans un dernier texte

Toujours dans

le numéro de juillet-août (367) de la revue Urbanisme, nous publierons un de ses derniers

textes, qu'il nous avait parvenir malgré

son état de santé, suite à l'annonce de son Grand prix de l'urbanisme et à un

premier échange avec Ariella Masboungi, qui donne des pistes très précises pour

relancer la recherche urbaine en France. Et qui se termine par ces mots :

« Je souhaite que mon Grand prix de

l'urbanisme puisse servir la société et les acteurs politiques et

professionnels de l'urbanisme et de l'aménagement en favorisant le débat sur

les enjeux de la recherche. »

Ce souci

d'être « un passeur entre le monde de la recherche et celui de l'action »

l'avait conduit à créer le concours Europan, à l'époque du Plan construction et

architecture, ainsi que le club Ville-Aménagement, lieu d'échanges entre les

grands aménageurs, l'État et la recherche. En 2000, il avait impulsé la création

de l'Institut pour la ville en mouvement (IVM) par le groupe PSA

Peugeot-Citröen, pour explorer les rapports entre mobilité et ville. Dans le

cadre de l'IVM, ces derniers mois, il

avait préparé le dispositif d'audiences publiques « Changement climatique, mobilités urbaines et Cleantech » ( www.ville-en-mouvement.com/cleantech

) qui sera poursuivi par Taoufik Souami, coordinateur scientifique, et Mireille

Appel-Muller, déléguée générale.

Comme le

souligne l'IVM, « théoricien de

l'hypermodernité, il en a développé l'analyse dans des domaines très

différents, dont il montrait les connexions : la ville, l'alimentation, la

politique » dans ses récents ouvrages : La Société hypermoderne (éditions de l'aube, 2005), Le Mangeur hypermoderne (Odile Jacob,

2005), La Société change, la politique

aussi (Odile Jacob, 2007).

Son avant-dernier

livre Examen clinique – journal d'un

hypermoderne, (éditions de l'aube, 2007) témoigne « entre intime et théorie » d'un individu hypermoderne confronté

au cancer. Personnellement, c'est tout particulièrement le souvenir de cette

volonté de rester jusqu'au bout le maître d'ouvrage de sa propre vie, face à la

maladie et à la mort, volonté dont témoignaient ses échanges, poursuivis sur

son lit médicalisé avec de nombreux interlocuteurs, que je garderai de lui. Antoine Loubière


A LIRE
  • François Ascher avait résumé ses analyses dans un petit livre Les Nouveaux compromis urbains – Lexique de la ville plurielle (éditions de l'aube, 2008), à la fois pédagogique et polémique. Il y passe en revue une cinquantaine d'items, d'Accessibilité à Urbanisme, en passant par Beauté (architecturale et urbaine), HQE, PPP et Politique de la ville…
  • Par ailleurs, l'ouvrage publié par le ministère à l'occasion du Grand prix de l'urbanisme sera entièrement consacré à sa pensée et à son œuvre. Il paraitra aux éditions Parenthèses sous le titre « Organiser la ville hypermoderne, François Ascher, Grand prix de l'urbanisme 2009 ».
  • De son côté, la revue Urbanisme rendra un hommage particulier à François Ascher dans son n° 368 (daté septembre-octobre 2009), à paraître le 20 septembre. http://www.urbanisme.fr/home/index.php