Pour vous renseigner sur Cadre de Ville,
téléphonez au 01 40 26 14 66,
ou écrivez nous.

A l'usage unique de

Copyright 2004-2024 Cadre de Ville
Diffusion restreinte
22 septembre 2022

Katayoune Panahi : "On peut intégrer la valeur environnementale des fonciers dans les marchés de quotas de CO2"

En Île-de-France, 32 sites sont en projet. La directrice générale de SNCF Immobilier pousse sa réflexion sur le financement de la renaturation et de l'offre sociale de logements. Elle propose "d'intégrer les valorisations foncières environnementales dans le périmètre des marchés de quotas de CO2". En attendant que le système change, elle assure "faire de efforts" sur les prix, et compenser en partie les surcoûts liés aux enjeux climat. SNCF Immobilier présentera le 11 octobre aux Entretiens du Cadre de Ville deux exemples d'intégration des enjeux environnementaux aux chaînes de valeur des projets urbains : dans le quartier Hébert à Paris, et dans l'opération Grand Matabiau à Toulouse, la première mise en œuvre de l'outil Urban Print pour mesurer la décarbonation. SNCF Immo devrait aussi être aidée par la loi "énergies renouvelables" à déployer plus vite des sites de production d'électricité, et conduit un effort

photo DR

SNCF Immo a conclu en mai 2021 une charte avec l'Etat, qui l'engage à produire de 20 à 25 000 logements d'ici à 2025, en mobilisant ses fonciers disponibles. Où en est-on ?
Nous sommes conscients de notre responsabilité environnementale mais aussi sociale pour répondre aux besoins de logements en zones tendues notamment.
Nous déclinons la convention nationale région par région. Nous avons signé, dès décembre 2021, avec le préfet de région, la convention pour l'Île-de-France, qui identifie une trentaine de sites, essentiellement dans le 93 et le 78 concernant plus de 536 000 m². De quoi potentiellement construire 6 600 nouveaux logements, dont 38% sociaux.
L'Île-de-France était la priorité mais nous avons mené le même travail dans d'autres régions, avec ICF Habitat. Nous avons l'ambition de signer, avant la fin de l'année, les conventions régionalisées en Nouvelle Aquitaine, en Paca, en Occitanie, en Pays de la Loire, là où les besoins sont les plus criants.

Ils semblent aussi criants dans la métropole de Lyon et en Auvergne Rhône-Alpes, non ?
Oui c'est vrai. Nous y travaillons. Sur les fonciers dont nous disposons à Lyon et dans la région, nous sommes en cours de définition de la programmation avec les collectivités concernées. On est un peu trop en amont pour tenir l'échéance 2025. Cela viendra sans doute ensuite. Il y aura d'autres conventions. Celle de 2021 faisait suite à celle de 2014.

Quel est votre mode opératoire ?
Nous identifions les sites suffisamment avancés pour développer une opération avant 2025, soit portés par notre filiale Espaces ferroviaires, soit qui feront l'objet de cessions à un autre aménageur ou à une collectivité. Des sites où nous sommes capables d'évaluer un potentiel de logements.
Les sites où la programmation n'est pas suffisamment avancée pour pouvoir s'engager, ne sont pas retenus.
Ce n'est pas toujours du foncier que nous allons aménager nous-même. Soit nous le faisons à travers nos propres filiales, soit on vend le terrain à une collectivité ou un aménageur, mais on a suffisamment travaillé pour savoir combien de logements il pourra porter.
A Pantin, nous avons vendu notre foncier à l'Epfif qui portera le foncier, mais nous avons fixé avec le maire Bertrand Kern, que ce sera pour développer un écoquartier avec plusieurs centaines de logements.
Autre montage, quand on parle de mobilisation du foncier ferroviaire pour créer des logements, ICF Habitat, notre filiale de logement social, est signataire de la charte. Nous travaillerons avec ICF sur une grande partie des logements, mais pas seulement. Tout ne sera pas réalisé par l'Immobilière des Chemins de Fer. D'autres bailleurs sociaux seront appelés sur ces fonciers.

Tout est géré par vos directions déconcentrées ?
Tout-à-fait. Nous avons six directions immobilières plus celle de l'île-de-France, qui couvrent l'ensemble du territoire et travaillent à ces projets avec les collectivités territoriales concernées. Et avec les quatre ESH d'ICF, plus la Sablière en Île-de-France..

Le détail des 32 fonciers mobilisés en Île-de-France

Les 32 sites de fonciers SNCF mobilisés pour du logement en Île-de-France (annexe à la charte d’engagement régionale)

VILLE

ADRESSE

SURFACE CESSIBLE (m²)

Potentiel Logements

Dont Logements Sociaux

Part de logement sociaux sur l'opération

Catégorie de logements sociaux produits                  (PLAI, PLUS, PLS)

Implantation de pension de famille (oui / non)

Situation de la commune en termes de logements sociaux

Taux LLS de la commune si soumise SRU                         (1er janvier 2019)

Année prévisionnelle de cession

Dates de production de logement                      (début du chantier et mise à disposition)

 

PARIS

TOLBIAC RESEAU T5A

736

61

0

0%

 

N

Soumise déficitaire

21%

2022

PARIS

Entrepot Hebert - Phase 1

35 174

370

222

60%

177 logements ICF Habitat : Lot G : 75 logements familiaux LLS  (dont 30 % de PLAI) + 24 LLI / Pour le lot H : un FJT de 59 PLAI + 19 logements inclusifs PLUS (sénior)

N

Soumise déficitaire

21%

2021

PARIS

PC19
4 rue de Lorraine

1 072

84

39

46%

39 Logements sociaux ( dont 30 PLS et 9 PLUS) et 45 logements intermédiaires ICF HABITAT

N

Soumise déficitaire

21%

2022

PARIS

Gare de Lyon -  Daumesnil  Phase 1A

26 220

322

164

60%

164 logements sociaux ICF Habitat : Lots L2 et L7 financés en 2020 pour 136 LLS (dont 30 % de PLAI) et lot L6 en 2021 pour 28 LLS (dont  28 % de PLAI).
41 logements LLI ICF Habitat : lot L5 en 2021

N

Soumise déficitaire

21%

2022

PARIS

MOBI ORDENER POISSONNIERS

36 917

400

211

52%

211 logements ICF Habitat :  1 Foyer Jeunes Travailleurs de 135 unités ( 100 % PLAI) et 76 logements familiaux (dont 30 % de PLAI)

N

Soumise déficitaire

21%

2023

PARIS

MASSENA - SURSOL M10/A,M10/B haut

6 109

223

223

100%

 

N

Soumise déficitaire

21%

2024

PARIS

ENTREPOT BERTRAND SA SNCF FONCIER PARIS

45 280

500

250

50%

 

N

Soumise déficitaire

21%

2024

PARIS

ENTREPOT HEBERT PHASE 3 SA SNCF

8 154

90

54

60%

 

N

Soumise déficitaire

21%

2025

SAINT-GERMAIN-SUR-MORIN

St Germain s/ Morin halle Commune

12 417

150

70

47%

 

N

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

2025

JOUY EN JOSAS

1 rue Charles de Gaulle

3 975

35

12

34%

45 logements ICF Habitat : 31 PLUS et 14 PLAI (30 %) dont une partie sur le foncier ferroviaire

N

Soumise mais taux légal atteint

28%

2021

POISSY

POISSY  ZAC  Rouget de Lisle

12 327

194

55

28%

 

N

Soumise mais taux légal atteint

32%

2022

VIROFLAY

MOBI VIROFLAY CENTRE FORMATION INFRA

2 095

80

46

58%

46  logements sociaux (23 PLUS, 14 PLAI et 9 PLS) et 34 intermédiaires ICF Habitat

N

Déficitaire

17%

2022

MANTES-LA-VILLE

MANTES Plateau du Maroc

9 300

A Déterminer

A Determiner

A déterminer

 

N

Non déficitaire

39%

2023

VILLIERS-SAINT-FREDERIC

VILLIERS NEAUPHLE PONTCHARTRAIN GARE

6 160

40

10

25%

 

N

Déficitaire

11%

2024

BONNIERES-SUR-SEINE

BONNIERES GARE

4 482

31

A Déterminer

A déterminer

Marque d'interêt d'ICF

N

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

2025

VERNOUILLET

VERNOUILLET -   rue Berthe

7 900

120

24

20%

Marque d'interêt d'ICF

N

Non déficitaire

26%

2025

BALLANCOURT

BALLANCOURT Gare

12 000

60

30

50%

Marque d'interêt d'ICF

N

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

2025

NANTERRE

ZAC les  GROUES Ph2a TRIANGLE GARE

35 591

840

272

32%

Marque d'interêt d'ICF

N

Soumise mais taux légal atteint

55,30 %

2021

NANTERRE

ZAC  les GROUES Ph 3  - FRET

6 047

77

30

39%

Marque d'interêt d'ICF

N

Soumise mais taux légal atteint

55,30 %

2022

PANTIN

ZAC PANTIN  GARE (phases 1b ,2 et 3)

109 288

1 106

364

33%

120 logements ICF Habitat

N

Soumise mais taux légal atteint

38%

2021

PANTIN

ZAC PANTIN GARE  phase 4

44 238

185

61

33%

 

N

Soumise mais taux légal atteint

38,10 %

2023

SAINT-OUEN

FRET ST-OUEN LES DOCKS SECTEUR 4 SEQUANO 1BisF

17 692

370

74

20%

 

N

Soumise mais taux légal atteint

43,20 %

2021

EPINAY-SUR-SEINE

rue de Nancy

9 417

40

20

50%

 

N

Non déficitaire

35%

2024

EPINAY-SUR-SEINE

 route de saint leu

11 600

A Déterminer

A Déterminer

A déterminer

 

N

Non déficitaire

35%

2024

SAINT DENIS

Les  Cathedrales du  rail

26 892

650

130

20%

 

N

Non déficitaire

52%

2025

VITRY-SUR-SEINE

ZAC VITRY GARE

16 119

70

40

57%

 

N

Soumise mais taux légal atteint

38,80 %

2021

ABLON-SUR-SEINE

ABLON lot 10

565

18

6

33%

 

N

Non soumise exemptée

-

2021

SAINT-MAUR-DES-FOSSES

PARKING DE LA GARE RER A CHAMPIGNY

4 000

96

40

42%

40 logements sociaux ICF Habitat

N

Déficitaire

9%

2023

SAINT-GRATIEN

G&CX SAINT GRATIEN RUE DU MARECHAL JUIN

1 122

24

24

100%

24 logements ICF Habitat : 4 PLAI, 4 PLUS, 4 PLS et 12 LLI

N

Non déficitaire

32%

2022

PIERRELAYE

PIERRELAYE GARE

7 592

173

84

49%

 

N

Non déficitaire

28%

2023

SARCELLES et SAINT BRICE SOUS FORET

SARCELLES ST BRICE GARE

10 428

140

A Déterminer

A déterminer

 

N

Non déficitaire pour Sacrcelle (56%) mais déficitaire pour Saint Brice (20,58%)

21%

2025

BRAY-ET-LU

BRAY ET LU  TAB et terrain ex show room

4 807

10

A Déterminer

A déterminer

 

N

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

Commune hors périmètre SRU,  hors agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitant (L302-5 du cch). Sur cette commune, les enjeux pour la construction et la production sociale ne sont pas très forts, les inventaires SRU ne sont pas réalisés

2025

 

Comment abordez-vous la question de la valeur de vos fonciers, dans une période qui voit les prix des logements s'envoler ?
C'est un sujet important que celui de la valorisation foncière. J'étais intervenue aux Entretiens du Cadre de Ville en 2021 [NDLR les prochains se tiennent le 11 octobre] pour expliquer que, selon moi, on fonctionne encore sur un modèle économique dépassé. Le marché fonctionne encore sur le modèle basé sur le paradigme de la période de reconstruction d'après-guerre. Une époque où le foncier était plus disponible, n'était pas considéré comme une ressource à économiser, une période de consommation foncière. Sa valeur reposait avant tout sur sa constructibilité.

Vous connaissez mon raisonnement : malheureusement, on a conservé ce même modèle aujourd'hui. Alors qu'on est dans une autre période, où il s'agit d'apporter des réponses aux enjeux écologiques, tout en produisant des logements abordables en zones tendues. Les programmes sont différents, la chaîne de valeur doit l'être aussi. Il faut apporter de la végétation en pleine terre, lutter contre les îlots de chaleur, favoriser la biodiversité... Ce sont les aspirations légitimes de la population, et tous les acteurs de la fabrique urbaine en sont conscients selon moi.

Il y a comme un trépied des projets urbains : un pied social avec des logements accessibles, un pied environnemental et écologique avec de la végétalisation, et puis à un moment il faut reboucler le modèle avec le pied économique. Et quand vous faites beaucoup de logements sociaux et beaucoup de végétal, vous vous apercevez que ça ne boucle pas. Et on se retrouve à intégrer dans nos programmations du tertiaire, du résidentiel, là où les besoins ne sont peut-être pas là. Mais on y est conduit de façon presque automatique.

"C'est mon cheval de bataille, vous le savez : la vraie solution consisterait à changer le modèle économique du foncier, pour y intégrer la création de valeur environnementale et sociale"

On voit bien que chaque acteur de la fabrique urbaine essaie à législation constante, de trouver ses propres solutions. Nous essayons sur chaque opération d'équilibrer des bilans avec de la végétation et des logements sociaux, comme aux Messageries en plein cœur de Paris : sur 6 ha, 3 ha de parc. Il a fallu négocier avec chacun des acteurs, y compris au sein de la SNCF, avec les promoteurs, pour que chacun revoie ses modèles, rogne un peu sur ses marges. Cela prend du temps. Or, nous n'avons plus de temps, il faut passer à la vitesse supérieure.

La plupart des acteurs publics renoncent aux enchères sur le foncier - c'est ce que fait Grand Paris Aménagement. La Ville de Paris fixe ses propres règles dans son PLU bio-climatique, en instaurant un critère d'externalités positives dans le choix des projets immobiliers. Et protège les arbres des jardins privés au risque du contentieux.

Je le redis ici, c'est mon cheval de bataille, vous le savez : la vraie solution consisterait à changer le modèle économique du foncier, pour y intégrer la création de valeur environnementale et sociale.

Qui doit payer alors et porter le coût de la valeur environnementale ?
On pourrait prendre exemple sur la loi de 2010 qui autorise la SGP à financer le projet de transport à travers une taxe sur la propriété foncière aux abords des gares, pour récupérer une partie de a valeur ajoutée apportée par le nouveau métro.
On pourrait faire de même pour les propriétés à proximité de parcs et de verdure, car la création de valeur environnementale crée de la valeur économique, mais qui ne bénéficie pas aux aménageurs ou à la collectivité publique.

Mais je crois moyennement aux pistes fiscales dans un contexte économique marqué par l'explosion des prix de l'énergie, par l'inflation qui revient au galop.
On a plutôt intérêt à intégrer les valorisations foncières environnementales dans le périmètre des marchés de quotas de CO2. Quand vous créez un espace vert, vous créez un puits de carbone qui pourrait bénéficier de crédits carbone.

SNCF Immobilier aux Entretiens du Cadre de Ville
> Fadia Karam, directrice générale d'Espaces Ferroviaires, interviendra dans la table-ronde d'ouverture, en débat avec Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l'aménagement durable au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, de Valérie Quiniou, directrice exécutive Prospective et Recherche à l'Ademe, et Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil National de l'Ordre de architectes.
Table-ronde 9h15 10h45 ": Engagés vers la transition 2050 : comment passer des scénarios macros à l'action territorialisée ?"
> Keynote n°2 - Retour d'expérience d'un quartier bas carbone : quel équilibre économique ?

  • Le quartier Hébert, à Paris 18è : retour d'expérience
    par Fadia Karam, Directrice générale, Espaces Ferroviaires
> Focus n° 5 - Quartiers bas carbone : comment les projets urbains intègrent les innovations et nouveaux modes constructifs ?

  • Retour d’expérience sur l’utilisation de l’outil Urban Print pour intégrer des dimensions bas carbone et environnementales ambitieuses au projet à Toulouse
    par Nadia TAHRI, Responsable développement durable et innovations, Espaces Ferroviaires


> Voir le programme de la totalité des projets présentés lors des Entretiens, et l'organisation de la journée, les temps de networking, les prises de parole  

 

Bénéficier de crédits carbone pour des aménagements vertueux, cela supposerait qu'un prix soit fixé de la tonne de carbone non ? Ce n'est pas encore le cas...
En effet, pas tout à fait, mais on commence à pouvoir utiliser cette référence pour mesurer la valeur des projets. Nous le faisons, au niveau de notre comité d'engagement, en prenant en compte le PIC, le "prix interne carbone", et le CAC le "coût d'abattement carbone", qui sont de nouveaux indicateurs que la plupart des grandes entreprises intègrent maintenant dans leurs calculs économiques, pour pouvoir comparer les projets les uns avec les autres, en ne tenant pas seulement compte du taux de rentabilité interne.
Cela nous a amené récemment, pour la rénovation-reconstruction du technicentre de Saint-Pierre des Corps, à choisir un scénario plus onéreux de quelques millions, mais plus vertueux en termes de décarbonation puisqu'il reliera le centre au réseau de chaleur urbain. L'intégration de l'indicateur "carbone" - dont nous fixons la valeur de manière arbitraire, car ce n'est pas normé - a fait ressortir ce projet.

Et il n'y a pas que le carbone. Il faudrait faire la même chose avec un indicateur de biodiversité, par exemple. Quand on revégétalise, on favorise la biodiversité, et cela crée une vraie valeur environnementale dont il faudrait tenir compte. On pourrait imaginer de même un indicateur de résilience des territoires, ou d'autres encore, répondant davantage aux enjeux de transition écologique. Il faut sortir de notre modèle dépassé basé sur le calcul de la valeur économique - tout comme est dépassé le mode de rémunération des architectes, basé sur un modèle incitant à la dépense. On aurait plutôt intérêt à intégrer des indicateurs de performance des bâtiments, d'économie de ressources...

Avez-vous évalué la dégradation monétaire de la valeur de bilan de votre patrimoine foncier que représenterait un pareil changement d'approche ? Quelle marge de manœuvre pouvez-vous tolérer ?
Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de le faire, parce que nous ne sommes pas tous seuls sur les marchés fonciers... Nous intervenons dans un environnement économique avec des aménageurs, des promoteurs, des collectivités, nos partenaires, dont chacun a ses propres contraintes. Nous sommes tous régis par un environnement réglementaire qui ne nous autorise pas à le faire.
Comme je le disais, chacun essaye d'innover dans son champ de compétences, à droit constant.

Vous avez pourtant de la marge, non ? Vous me disiez qu'à Saint-Pierre des Corps, vous avez accepté des surcoûts économiques pour le projet du technicentre.
Nous avons une marge à partir du moment où nous sommes les seuls à intervenir, à décider et choisir un scénario. C'est le cas ici.
Sur un terrain qu'on va valoriser en le cédant à d'autres acteurs, avec des autorisations d'urbanisme délivrées par la collectivité, nous ne sommes pas maîtres des choix.

Mais nous sommes conscients de notre responsabilité sociale et environnementale, compte tenu de l'étendue de notre foncier, qui doit être considéré comme une ressource. Il est parfois le facteur limitant dans la mise en oeuvre de politiques publiques notamment en faveur du logement, mais aussi de la transition écologique.

Donc nous allons prévoir, chaque fois que nous intervenons en zone urbaine dense, par exemple, de ne pas faire de la densité pour rentabiliser au maximum, et tirer le meilleur profit possible. Nous acceptons un manque à gagner pour assurer une très grosse part d'espaces végétalisés. Nous allons dans ce cas rogner sérieusement sur nos marges, vendre le foncier à un prix acceptable pour nous, et aussi négocier avec les autres acteurs pour qu'ils acceptent aussi de faire un effort sur leurs prix. On voit les limites de l'exercice. Ce sont des mois de négociations.

Plus largement, comment la branche immobilière de la SNCF, SNCF Immo, contribue-t-elle et va-t-elle contribuer à la transition écologique ?
Le groupe SNCF développe une stratégie basée sur une ambition écologique qui met en avant le train comme le mode de transport le plus écologique, qui émet 50 fois moins de CO2 que la voiture. Jean-Pierre Farandou, notre président de la SNCF, parle de l'objectif "fois deux", avec l'objectif de multiplier par deux la part du train dans les transports en général : elle est aujourd'hui de 10%, nous voulons la passer à 20%, alors que la voiture représente aujourd'hui 85% de ces déplacements.

L'immobilier participe activement à ce programme, avec notre foncier toujours à proximité des gares, où les projets de quartiers permettent de concentrer l'activité humaine, habitations, emplois tertiaires, commerces, pôles d'échange multimodaux, dans une proximité qui va favoriser l'usage du train.

Dans les secteurs périphériques et semi ruraux, nous aménageons des parkings-relais, qui donnent la possibilité à des populations qui n'ont pas le choix d'utiliser la voiture jusqu'à un pôle multimodal. De fait, 25% de nos projets de transformation foncière sont situés dans des quartiers de gare de villes éligibles à Action Coeur de Ville ou Petites Villes de Demain.

J'ai signé par exemple, juste avant l'été, un protocole foncier avec la communauté d'agglomération du Grand Soissons pour un projet de quartier de gare, qui développera un pôle multimodal, des logements par ICF, un hôtel et des bureaux.

Notre foncier présente un autre atout : il est très artificialisé et parfois pollué. Donc, le moindre projet contribue à respecter la trajectoire ZAN. Car chaque projet conduit à perméabiliser et amener de la biodiversité.

"Nous utilisons aussi notre foncier pour y développer des centrales solaires. Nous avons estimé pouvoir y consacrer 3 000 hectares, sur des délaissés le long des voies"

Dernier axe de contribution à la transition écologique : nous utilisons aussi notre foncier pour y développer des centrales solaires. Nous avons estimé pouvoir y consacrer 3 000 hectares, sur des délaissés le long des voies. Nous avons déjà mis en service voici un an à Arnage, près du Mans, dans une de nos gares de triage, une ferme photovoltaïque de 17 ha, pouvant fournir l'énergie pour 4 600 foyers.
Et nous allons poursuivre. Le projet de loi sur les énergies renouvelables, [qui devrait être présenté en conseil des ministres en septembre NDLR] devrait faciliter l'utilisation des fonciers ferroviaires et routiers pour ce genre d'installation, notamment en allégeant les procédures administratives.

Il est naturel que nous fassions cet effort. La SNCF est l'entreprise la plus consommatrice d'électricité en France. Elle représente 10% de la consommation industrielle et 1% du marché total de l'électricité.

L'autre façon de contribuer à la transition écologique c'est de faire des économies de consommation. Cela impacte votre patrimoine tertiaire et industriel bien sûr. Vous êtes soumis notamment au décret tertiaire. Comment vous y prenez-vous ?
Nous avons été précurseurs en prenant des mesures de sobriété énergétique dès le mois de mai 2022, la crise ukrainienne et l'envolée des prix de l'électricité, compte tenu qu'on était déjà très largement engagés dans des schémas directeurs tertiaires.
Notre gestion "flex" de l'occupation des bureaux nous a conduit à réduire notre empreinte tertiaire de 30%.

Pour réduire encore plus nos consommations, nous avons formulé un plan de sobriété visé par le comité stratégie énergie carbone qui réunit tous les présidents de SA du Groupe. Le plan prévoit de réduire à 19% le chauffage d'hiver, et à 26% la climatisation en été. C'est d'ores et déjà mis en œuvre.

Pour aller plus loin, nous regardons comment la gestion des mètres carrés de bureaux pourrait nous permettre d'aller plus loin sans changer l'organisation du travail, sans contraindre les agents, par exemple à plus de télétravail.

Reconversion d'immeuble et changement d'usage : Katayoune Panahi inaugurait, ce 20 septembre 2022, la transformation de la tour de la rue Watt, ZAC Paris Rive Gauche, qui logeait les personnels roulants, et offre désormais 175 studios ou T1 en résidence étudiante, par la filiale de SNCF Immo, ICF Habitat La Sablière - La tour de 16 étages des années 70, aujourd'hui rehaussée de trois niveaux en bois et épaissie sur 8 niveaux au sol en bois également par l'architecte Vincent Lavergne, propose des commerces et des bureaux dans ses premiers étages - de g. à dr., entourant la directrice de SNCF Immo, Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du Logement, Jérôme Coumet, maire du 13e, Patrick Jeanselme président du directoire de la Sablière et Jean-Luc Vidon, directeur général d'ICF Habitat - photo DR
Katayoune_tour_Watt.jpg

Cela relève de la gestion quotidienne du parc immobilier. C'est l'entreprise qui va s'adapter, et adapter son offre de locaux au comportement des salariés. Les jours d'occupation très faible, nous allons fermer des plateaux dans certains immeubles et inviter les agents à s'installer sur d'autres plateaux plus occupés.

Depuis un an on est en train de redéployer de nouveaux schémas directeurs immobiliers en tenant compte du télétravail, et en appliquant un taux de foisonnement de 0,7 - donc 70% de taux d'occupation de nos espaces. Parallèlement à ce fonctionnement flexible, nous avons donné une part plus grande aux espaces collectifs partagés : salles de réunions, lieux de convivialité, en même temps qu'il n'y a plus de postes de travail individuellement attribués.

Ce faisant, nous mettons en évidence une marge de flexibilité supplémentaire. Ce taux de 0,7 a été fixé par service, par direction, par entités. On pourrait concentrer plus des agents sur certains sites, pour pouvoir en fermer d'autres, en mutualisant les occupations sans distinction de service. Tous les salariés de l'entreprise peuvent aller partout : on n'en était pas là, mais la crise énergétique peut nous conduire à franchir une étape supplémentaire. Peut-être pas tous les jours... Nous regardons plateau par plateau, bâtiment par bâtiment, comment répondre au mieux au besoin d'économie sans trop bouleverser l'environnement de travail de nos équipes.

Quelle est la vocation des mètres carrés non occupés ?
En matière tertiaire, nous sommes locataires dans beaucoup de sites. Fermer des sites ce sont des loyers en moins. En Ile-de-France, et à Saint-Denis en particulier où nous occupons 300 000 m² de bureaux, nous allons libérer un campus - soit un peu moins d'1 million d'euros de loyer économisés chaque année.

Et puis, dans notre patrimoine libéré, mais pas forcément dans les bureaux, se glissent toutes nos opérations d'urbanisme transitoire, qui sont en réalité du véritable urbanisme de transition, et où nous développons des multiplicités d'usages des espaces.
Vous en connaissez beaucoup. Parmi eux, le projet Toits temporaires urbains va voir inaugurer au mois d'octobre un prototype sur le site de Bercy Beaucoup.

Propos recueillis par Rémi Cambau le 19 septembre