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16 novembre 2020

Séverine Chapus : Il y a "nécessité d'une mixité à toutes les échelles, celle du quartier, de l'îlot et même de l'immeuble"

"Notre volonté est d'aller vers davantage de mixité pour parvenir à maintenir des emplois sur site, et à assurer un développement résidentiel équilibré", explique à Cadre de Ville la directrice générale adjointe de BNP Paribas Real Estate Grands projets mixtes. Parmi les projets de la société encore au stade de l'étude, il y a celui des Cathédrales du Rail à Saint-Denis, suite à une consultation lancée par SNCF Immo et le territoire pour valoriser ce patrimoine industriel - consultation qui a désigné le groupement BNP Paribas Real Estate premier puis a été suspendue en février 2019.

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En quoi la société BNP Paribas Real Estate a-t-elle dû s'adapter dans le contexte de la crise sanitaire ?
Pour faire face à l'incertitude, alors qu'on a tous du mal à se projeter, il faut rester humble et surtout, être souple dans nos manières de procéder. Concrètement, cette crise sanitaire a un impact sur la manière dont on fait du développement : en étant confiné loin du terrain, on se repose sur nos cercles de connaissances déjà développés, il est plus compliqué de tisser de nouvelles relations, la mise à distanciation physique n'aide pas - heureusement qu'on a eu quelques mois de liberté auparavant [entre les deux confinements], et qu'on a pu commencer à rencontrer les nouvelles équipes municipales notamment.
Chez BNP Paribas Real Estate, nous sommes un groupe multi-métiers. On profite de la période pour travailler encore davantage les synergies entre nos métiers. Nous avons une connaissance très fine des marchés, des réalités des actifs, des positionnements des PME et des grandes entreprises. Comment s'en nourrir davantage, par exemple sur le sujet de la reconversion des actifs tertiaires obsolètes ? Notre connaissance sur le parc tertiaire mutable est une expertise intéressante que nous pouvons apporter aux élus et aux opérateurs.

Sur ces actifs tertiaires obsolètes, quelles sont vos pistes de réflexion ?
Sur une zone telle que Paris, la valeur des bureaux est telle qu'il est difficile de la concurrencer par d'autres usages. Mais le premier confinement a accéléré une prise de conscience collective : celle de ces grands ensembles tertiaires obsolètes et complètement vides. Le renouveau des bureaux passera par une proposition alternative, qui doit aussi apporter davantage que ce que les gens peuvent trouver en télétravail. Il faut arriver à les emmener vers une expérience différente de ce qu'ils peuvent trouver en travaillant de chez eux, cela veut dire des bureaux certes, mais aussi des lieux d'accueil, d'apprentissage, d''expérience sociale... Cela accompagnera un renouvellement dynamique du parc.

L'idée est notamment d'accélérer la mutation de bureaux en logements ?
Ne nous mettons pas de barrière dans l'approche. Cela peut être des mutations vers des logements qualitatifs à prix abordable mais aussi vers des bâtiments mixtes bureaux-hôtels. Nous conduisons des études exploratoires pour observer chaque actif en lien avec le tissu urbain autour. En admettant que les bureaux étudiés n'aient plus d'usage en tant que tels, l'idée est de déployer de l'intelligence collective pour trouver une nouvelle ambition pour l'immeuble ou l'îlot urbain.

Quels sont les autres axes sur lesquels vous renforcez votre réflexion ?
Ce sont des thématiques sur lesquelles nous travaillions déjà, mais notre réflexion s'intensifie, se renforce. La ville productive par exemple. Comment on cesse de repousser toujours plus loin les fonctions nécessaires au bon fonctionnement urbain ? Comment réintégrer activités, usines, logistique du dernier kilomètre dans le tissu urbain constitué ? Avoir du petit entreposage avec des logements à proximité immédiate ?
Nous avons mené plusieurs études, nous travaillons notamment avec l'agence Syvil (Ajap 2018) pour réfléchir à ces concepts de cohabitation travail et habitat, avec des terrains d'application en première et deuxième couronne parisienne.

Sur la logistique du dernier kilomètre, nous travaillons avec plusieurs partenaires, la Sogaris, mais aussi l'agence Arep, pour bien articuler les sujets de flux, de mobilité, dans toutes les dimensions, ferrées, routières, fluviales, et douces. Comment on pense la desserte initiale, comment les biens sont acheminés jusqu'aux gens ?

Comme directrice générale adjointe aux "grands projets mixtes", je crois profondément à cette nécessité d'une mixité à toutes les échelles, celle du quartier, de l'îlot et même de l'immeuble. Comment on utilise les socles, les sous-sols, d'une autre manière que pour du simple stationnement ? L'approche par la chronotopie [étudiant les configurations spatio-temporelles des lieux] permet de tendre vers des m² mieux utilisés, développés le plus justement possible, et donc plus vertueux d'un point de vue environnemental.

Sur ce prisme environnemental, quelle approche avez-vous ?
Nous cherchons notamment à aborder les sujets de biodiversité dès l'amont, dès la constitution de l'équipe initiale, en intégrant, aux côtés de l'architecte, un paysagiste ou un écologue pour travailler la place de la nature dans le projet, qui soit adapté à son contexte, à son climat, aux habitants du futur lieu. Ce n'est, là encore, pas nouveau mais désormais avec la période, il ne viendrait plus à l'idée de personne de faire autrement, et c'est surtout ce qui est notable.

Vous avez un ancrage très métropolitain, avec une présence sur la Métropole du Grand Paris, mais aussi les secteurs lyonnais et bordelais notamment. Votre société envisage-t-elle de se positionner aussi sur des secteurs moins urbains, pour répondre à une montée en puissance de l'attractivité des villes moyennes ?
Notre couverture géographique est ciblée en effet. Néanmoins, parmi nos réflexions, il y a notamment celle de préciser notre action au sein même des territoires métropolitains. On est amené à regarder des territoires un peu plus éloignés du cœur métropolitain que ce qu'on regardait jusqu'ici. Dans le respect de l'ADN industriel de ces territoires, notre volonté est d'aller vers davantage de mixité pour parvenir à maintenir des emplois sur site, et assurer un développement résidentiel équilibré.

Pour illustrer cette attention à la mutabilité des grandes emprises foncières, nous testons des exemples de cohabitation entre habitat et hôtels d'entreprises dans la ville de Massy, en partenariat avec la municipalité et Paris Sud Aménagement. Une démarche partenariale privé-public qui, dans ce contexte, prend encore plus de sens.

Nous avançons par ailleurs sur l'îlot D5 à Boulogne [ZAC Seguin-Rives de Seine], avec Chartier Dalix (ce projet n'est pas encore livré).

Sur le site du Trapèze à Boulogne, BNP Paribas Real Estate porte un programme de 300 logements et de 40 000 m² de bureaux, autour d'un îlot de verdure au bord de la Seine (180 arbres plantés, création d’un jardin-belvédère et de venelles boisées, 100% de balcons filants végétalisés  - les autorisations administratives concernant ce programme sont toujours en cours - architecte-coordonnateur : Chartier Dalix

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Nous sommes aussi très heureux d'avoir été désignés lauréats de la consultation lancée par la société BIC pour travailler sur l'avenir de son siège historique à Clichy-la-Garenne [Hauts-de-Seine]. Nous y travaillons main dans la main avec la collectivité pour y développer un nouveau quartier de grande qualité.

Par ailleurs, sur un autre projet que nous développons, à dominante résidentielle, sur Nanterre les Groues, avec l'architecte Djamel Klouche, notre réflexion avec la collectivité porte sur l'écosystème entrepreneurial et la manière de créer une ville inclusive à travers des dispositifs innovants.

Bâtiment Twist au cœur du projet (côté place d'Arras) sur Nanterre Les Groues, 800 logements sont prévus ainsi qu'un incubateur culturel de 3 500 m² - architecte urbaniste : l'AUC

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Planning prévisionnel pour les Groues
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Enfin, parmi les projets encore au stade de l'étude, il y a celui des Cathédrales du Rail à Saint-Denis, suite à une consultation lancée par SNCF Immo et le territoire pour valoriser ce patrimoine industriel - consultation qui a désigné le groupement BNP Paribas Real Estate premier puis a été suspendue en février 2019. Avec notre équipe - Brownfields, Sirius, Linkcity, I3F et les architectes AUC, François Châtillon et 51N4E -, nous restons mobilisés pour concrétiser sur ce site emblématique un développement résidentiel équilibré, qui valorise les savoir-faire du territoire en termes d'artisanat notamment.

Comment travaillez-vous avec les autres acteurs de l'urbain ?
Nous sommes ouverts à des formes de partenariat différents. Nous agissons beaucoup en co-promotion, en nous associant tôt à des investisseurs et aux utilisateurs futurs. Nous avons aussi des habitudes de travail avec les outils des collectivités, les SEM notamment, et répondons soit en groupement commun, soit dans une logique de dialogue quand la SEM est le donneur d'ordre.

Sur les montages, nous sommes également ouverts à des évolutions. Je pense qu'il y a notamment beaucoup de choses à inventer collectivement sur la manière de traiter ce qu'on appelle les communs, ces espaces situés dans un entre-deux entre espace public et l'espace privé et dont dépend beaucoup la qualité du projet. Beaucoup reste à faire pour avancer sur les modalités de gouvernance et de valorisation de ces espaces hybrides.

Mais les promoteurs dont font partie BNP Paribas Real Estate, dans des temps aussi incertains, ne cherchent-ils pas plutôt à assurer leurs arrières, avec notamment beaucoup de prospections foncières pour pouvoir développer des opérations modestes mais certaines de sortir, plutôt que de chercher à trop modifier leurs savoir-faire ?
La période invite à un retour exigeant aux fondamentaux. En visant toujours la qualité de vie dans les logements réalisés par exemple, on sécurise nos programmes, puisqu'ils répondront durablement aux attentes des utilisateurs. En revanche, en faisant un pari de court terme, tel qu'une sur-densification non qualitative en première couronne, je ne crois pas qu'on puisse assurer une logique de long terme à sa structure.

En tout cas, BNP Paribas Real Estate, en promotion Résidentiel, représente 3 000 logements par an. Nous avons vocation à doubler cette production dans les prochaines années, mais nous ne menons pas une course sur les fonciers à tout crin. Quant aux bureaux, nous avons toujours des critères assez simples mais discriminants avant de nous engager, sur la qualité de desserte, ou encore l'attractivité du territoire. Le maître mot reste la qualité du produit résidentiel autant que tertiaire.

Quelle va être cette nouvelle offre de logements ?
Il y a une injonction à faire différemment, des logements plus modulables, avec des balcons, permettant de travailler, mais aussi de continuer à avoir des loisirs et de se reposer. La direction générale Résidentiel de BNP Paribas Real Estate a d'ores et déjà développé une offre habitat post-Covid [Olivier Bokobza, le directeur général du pôle résidentiel de BNP Paribas Real Estate, avait indiqué cet été vouloir sortir d'ici fin 2021 de premiers logements adaptés au confinement]. Cela veut dire un logement avec des capacités de rangement et de stockage, des espaces extérieurs partagés y compris des toits terrasses accessibles, des parties communes mutualisées pour les copropriétés, du wifi à tous les étages et un habitat entièrement modulable [avec même du mobilier multi-usage pour le télétravail]. Il y a un alignement d'intérêt, avec une très forte appétence des particuliers, cela se confirme dans les commercialisations.

Au-delà, désormais, nous avons un souci encore plus grand de la qualité de vie offerte aux riverains, qui passe par une harmonie entre espace bâti et espace préservé.

Comment jouer sur cette dimension d'intégration dans le tissu urbain et de plus grande place pour la nature ?
Je parle certes des grands projets urbains, mais au-delà, y compris dans les seuls programmes immobiliers développés. Nous apportons davantage de nature et de soin à la qualité des espaces publics : les paysagistes, dans nos équipes, partent de l'espace public pour penser dans un second temps le développement immobilier. On privilégie les parcours, les déambulations, la qualité paysagère.

Cela veut-il dire moins construire et n'est-ce pas paradoxal pour un promoteur ? Construire plus haut mais sur une surface moindre ?
Cela me semble vouloir dire mieux valoriser les ressources existantes, patrimoniales et naturelles, apporter le plus grand soin à intégrer les nouveaux développements dans leur environnement habité, au sens le plus large, y compris celui de la biodiversité, et oui, lorsque cela du sens sur un plan urbain, oser la hauteur, pour limiter la consommation d'espaces au sol et offrir de nouvelles perspectives sur la ville.

Propos recueillis mardi 10 novembre par Lucie Romano